Où sont passés beurre, lait, œufs… ?

Des victuailles aussi essentielles que le beurre, le lait, les œufs … continuent de se faire rares sur les étals et les rayons. Les Tunisiens s’en offusquent, et à bon droit, et ils ne sont pas les seuls. L’IRI, l’Institut Républicain International s’est saisi de la question et a dépêché en Tunisie deux de ses limiers et non des moindres, sa sous-directrice pour la région MENA et son conseiller principal pour les parties politiques, pour en savoir plus sur ce qui se passe dans ce pays « allié stratégique important des Etats-Unis qui peut avoir un effet positif de taille l’Afrique du Nord… et qui se trouve à une étape charnière et doit atteindre avec succès les objectifs clés de la gouvernance économique et démocratique pour continuer à consolider les progrès réalisés depuis huit ans ».
 
« Il n’y avait ni beurre ni lait sur les étals des épiceries. Ce n’était pas une option d’achat. Bien que cela n’ait pas l’air d’être une préoccupation majeure ni inhabituelle pour les Tunisiens à qui nous avons parlé, nous avons été surpris par l’absence de ces produits et ce qu’elle peut suggérer sur l’état des lieux de la démocratie et l’économie ». « Cela peut sembler anodin, mais la pénurie est encore plus grave », estime le duo qui souligne que la Tunisie est confrontée à un certain nombre de défis graves qui menacent la jeune démocratie, tels que la situation économique.
 
« La révolution en valait-elle la peine » ?
 
 
C’est que la croissance économique et le chômage sont des priorités absolues pour les Tunisiens, comme ils le sont depuis 2011. Néanmoins, peu de progrès ont été réalisés. Face aux menaces persistantes pour la sécurité, à l’économie anémique du pays et au chômage croissant, « de nombreux Tunisiens se demandent si la révolution et la transition en valaient la peine ».
 
Il est clair que les partis politiques ont toujours besoin de développer de solides plates-formes de réforme économique. Selon un sondage réalisé par l’IRI en Tunisie en décembre 2017, 42% des Tunisiens considéraient la crise économique et financière comme le principal problème de leur pays, avec 89% d’entre eux jugeant la situation économique actuelle soit «un peu», soit «très mauvaise».
 
La société tunisienne est très scolarisée, mais le marché du travail ne suit pas le rythme. Avec un taux de chômage de 15,5% et de 30% parmi les jeunes, en particulier dans les régions intérieures, la fuite des cerveaux devient de plus en plus un problème, les jeunes diplômés quittant leur pays pour chercher un emploi et des opportunités économiques.
 
S’attardant sur le lien entre la pénurie du beurre et la mauvaise économie, les deux analystes rappellent que le beurre est fortement subventionné. Le gouvernement tunisien contrôle le prix du lait et des produits laitiers depuis des années, tout en laissant fluctuer librement le prix des aliments pour bétail à la suite d’une forte inflation. En 2018, le taux d’inflation était le plus élevé en juin, atteignant 7,8%. Depuis lors, il est resté stable à 7,4% par mois. Alors que le coût du fourrage a augmenté en raison de l’inflation, de nombreux producteurs laitiers tunisiens ont vendu leur bétail. Et parce que le gouvernement intervient sur le marché, il y avait une pénurie de lait et de produits laitiers. Ainsi, sans lait, on n’a pas de beurre.
 
Comprendre la crise pour y remédier !
 
Et l’IRI d’ajouter : « Le lait est vite revenu sur les étals, mais ce n’était pas du lait produit par les agriculteurs tunisiens. Il a été importé à un prix supérieur à celui prescrit par le gouvernement. Cette solution a accentué les difficultés rencontrées par les agriculteurs tunisiens, soutenant plutôt la production laitière étrangère. Ceci n’est qu’un exemple simple de la raison pour laquelle les questions économiques doivent être au centre des préoccupations du gouvernement et des partis politiques. Afin de rétablir la confiance dans la capacité du gouvernement à répondre aux préoccupations économiques, le chef du gouvernement, Yousef Chahed a opéré un remaniement de son équipe ministérielle en novembre».
 
Avec les élections législatives et présidentielles prévues pour 2019, ajoute l’IRI, il sera impératif que les partis politiques accordent la priorité aux questions de réforme économique. Ils doivent non seulement comprendre les causes profondes de la crise économique, mais aussi élaborer des politiques efficaces qui libéralisent l’économie et assurent une croissance durable à long terme. Cela nécessitera l’élaboration d’un plan stratégique sur lequel les candidats feront campagne et ensuite le mettre en œuvre une fois élus.
 
Si la Tunisie parvient à sortir de la crise économique, des Tunisiens comme le célèbre boulanger franco-tunisien Mahmoud M’sedd, qui fournit des baguettes au palais présidentiel français, reviendront dans leur pays pour servir son peuple, même avec une noix de beurre, conclut l’IRI.
 
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