Sifflé sur le podium, Lavillenie craque

Le podium du saut à la perche a été une nouvelle épreuve pour le Français. Sifflé, marqué, il a versé de chaudes larmes. Ses critiques vis-à-vis du public n’avaient pas été digérées.

A Rio de Janeiro

Stade olympique. Même endroit, moins de 24 heures après un concours de saut à la perche totalement fou, le plus haut de l’histoire des JO, se déroulait la cérémonie de remise des médailles. Visage de craie, mâchoires serrées, Renaud Lavillenie redoutait le moment où il lui faudrait grimper sur la deuxième marche. Appelé par le speaker il a, comme la veille, essuyé les sifflets. Objet du courroux du public ses déclarations enflammées visant des spectateurs partisans. La mécanique des sportifs de haut niveau est une addition de mystères insondables. Un seul grain de sable peut enrayer ces machines de haute précision. En 2000, à Sydney, tête d’affiche de la délégation française, Marie-José Pérec, avait, oppressée, quitté les JO avant le début de la compétition…

undi, c’est sûrement la combinaison d’un ensemble de phénomènes (pluie, vent, incertitude quant à la tenue du concours finalement lancé, poids d’un titre à défendre et émergence d’un rival porté par l’insolence de la réussite) qui a perturbé le champion français, plus que les sifflets, même s’ils ont cristallisé son ressentiment sous le coup d’une déception foudroyante. Ce soir-là, à peu près à la même heure, à quelques kilomètres du stade olympique, d’autres Français, volleyeurs, ont perdu contre des Brésiliens un match couperet. Dans une ambiance inimaginable dans une enceinte en France. Une ambiance qu’on peut juger excessive, limite parce que trop partisane ou festive et joyeuse parce qu’elle a fait de la rencontre un match à part. Un moment dont on se souvient. La déception brûlante, aucun des joueurs français (certains étaient en larmes) n’a voulu faire peser le poids de la défaite et de l’élimination sur le rôle joué par le public. Parce qu’ils n’avaient pas ressenti de menaces physiques ou psychologiques (ce que Lavillenie dit avoir encaissé) comme certaines arènes turques ou grecques savent en faire peser sur des équipes de passage.

Peut-être était-il plus facile pour un groupe de résister à la pression exercée par des spectateurs joueurs et patriotes qu’à un homme seul accroché à sa perche et à un rêve qui filait entre ses doigts. Dans la salle de volley-ball portée à ébullition avant même les premiers points, Laurent Tillie est resté de glace. A la fin de la rencontre, le sélectionneur national a glissé : «J’ai senti beaucoup de respect entre les joueurs et les coaches, c’est une vraie plus-value pour notre sport.»

Les sifflets résonneront longtemps

Il y a fort à parier que Renaud Lavillenie, modèle de compétiteur, regrettait ce mardi, sur le podium, davantage le poids de ses mots que le poids de la défaite car elle fait partie prenante d’une carrière. Il sait, comme les autres champions, résister à toutes les conditions et à toutes les émotions. Lundi, au terme d’un concours presque parfait, il a craqué. C’est humain. Sa peine, lundi soir, n’était pas feinte. Les sifflets résonneront longtemps. En 1980, à Moscou, le Polonais Wladislaw Kozakiewicz devenu champion olympique du saut à la perche en battant le record du monde (5,78 m) avait, large moustache éclairée d’un sourire, asséné un violent bras d’honneur au public moscovite qui l’avait hué. A chacun sa réponse.

Renaud Lavillenie n’a pas été le seul sportif sifflé à Rio. Cela s’est produit à chaque fois ou presque, au judo, au tennis de table… qu’un Brésilien était en compétition. Une rareté aux JO. Mais les spectateurs brésiliens découvrent les JO et leurs rites. Et ils sont ainsi, excessifs, joueurs et patriotes. Renaud Lavillenie a eu la malchance d’évoluer face à un Brésilien porté par les siens. Un jeune champion olympique qui, radieux, a, lui, savouré ce podium dont Renaud Lavillenie, meurtri, ne gardera pas le cliché dans son livre d’or.

 

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