Le tourisme à la reconquête du marché français

Le marché français semble encore hésitant et garde une tendance baissière (-1,1%) en termes de réservations sur la Tunisie, alors que la plupart des marchés européens montrent un regain de confiance et affichent une tendance positive, selon les derniers chiffres du département du Tourisme.

Pis encore, les Tours opérateurs français, comme TUI France, FRAM et CLUB MED, affichent des baisses respectives de 17, 25 et 15,6%. Par rapport à 2010, la France, notre premier marché en Europe, affiche une baisse de 44,8%, en termes d'entrées touristiques sur le territoire tunisien.
 

Au pays du jasmin, qui s'est trouvé durant ces trois dernières années sous les projecteurs du monde entier, le tourisme, principal pourvoyeur de devises et secteur qui emploie, d'une façon directe et indirecte, environ 4 millions de Tunisiens, peine à surmonter sa crise.
 

Pénalisé par les troubles qui ont secoué le pays depuis la chute du régime de Ben Ali en janvier 2011, le tourisme tunisien, faute de moyens et d'innovation, a été réduit à un mode d'hébergement "forfait tout compris" ou "all inclusive" sans valeur ajoutée et s'est trouvé, par conséquent, financièrement aux abois.
 

La Tunisie à l'histoire millénaire et à la vocation touristique bien affirmée se trouve, aujourd'hui, contrainte de déployer un surcroît d'efforts tous azimuts, pour convaincre le monde que la sécurité s'est enfin rétablie et que le pays, réputé pour sa tolérance et son ouverture, est prêt à accueillir les touristes, notamment français, devenus de plus en plus prudents à visiter leur destination jadis privilégiée.
 

Les Français, qui ne sont qu'à deux heures de vol de Tunis et qui sont supposés être les premiers solidaires avec le peuple tunisien, semblent encore réticents à réserver pour leurs vacances d'été, en Tunisie, et se sont lassés d'attendre une situation politique, sociale et sécuritaire plus stable.
 

L'intention exprimée du ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, de passer ses vacances en Tunisie cet été en famille pourrait inciter les Français à revenir dans le pays.
 

Mais, les Tunisiens demandent encore du locataire du Quai d'Orsay de diffuser une carte moins noire des territoires tunisiens, car les Tours opérateurs prennent au sérieux ses instructions.
 

Dans sa rubrique "conseils aux voyageurs" sur le site de la diplomatie française, les messages ne sont pas aussi rassurants. Elle fait savoir que "dans un contexte général d'évolution positive de la transition démocratique et de stabilisation de la situation politique et sécuritaire en Tunisie, il est recommandé de consulter régulièrement le site de l'ambassade et du consulat général de France en Tunisie, notamment en raison de sécurité toujours en cours dans les zones frontalières. Celles-ci sont à éviter".
 

Il est aussi recommandé "d'observer la plus grande prudence lors des déplacements dans les gouvernorats frontaliers de Kasserine, Le Kef et Jendouba. Il convient en particulier de rester sur les grands axes routiers et d'éviter les déplacements de nuit dans ces zones".
 

C'est dans l'optique de rétablir cette image de la Tunisie peu sûre que s'inscrit la visite effectuée, les 28 et 29 avril 2014, par le chef du gouvernement provisoire, Mehdi Jomaa, à Paris, en compagnie d'une importante délégation ministérielle et de nombreux hommes d'affaires tunisiens.
 

Les messages rassurants se sont succédé, avant, au cours et après cette visite. Les Tunisiens à l'intérieur et à l'extérieur du pays ont été sur la même longueur d'onde et ont envoyé un seul message: "la Tunisie est plus que jamais sûre, ne craignez pas de vous y rendre".
 

Certains n'ont pas attendu les démarches du département du Tourisme et ont pris l'initiative de lancer leurs propres campagnes pour encourager les touristes français à venir en Tunisie.
 

C'est le cas du directeur de la publication "Tunisie Plus", Hosni Djemmali, qui continue de faire signer un appel "cet été, je vais en Tunisie", auquel continuent d'adhérer de nombreux Français (plus de 150 signatures dans le numéro 22 de la publication).
 

"Un désamour passager"
 

Amel Karboul, ministre du Tourisme, qui a accompagné le chef du gouvernement dans sa visite parisienne, a affiché un optimisme à toute épreuve. Elle a déclaré à l'agence TAP qu'elle s'attend à une amélioration après la visite effectuée en France et le lancement de son plan 3+1.
 

"Nous sommes en train de travailler sur la réputation de la Tunisie et nous avons rencontré la secrétaire d'Etat française au Commerce extérieur, au Développement du tourisme et aux Français à l'étranger, Fleur Pellerin, et le directeur général d'Atout France (agence de développement touristique). Ils vont nous aider à montrer aux Français l'image d'une Tunisie qui dégage beaucoup d'énergie positive et représente une valeur sûre".
 

La ministre voit en la révolution des avantages qui ne peuvent qu'être appréciés par la France, pays connu pour ses valeurs et son respect des Droits de l'homme.
 

"C'est vrai que durant les dernières années, nous avons eu une révolution. Mais la Tunisie a eu de temps à autre, depuis 3 mille ans, une révolution, cela fait du bien, et je pense que la liberté de s'exprimer, la liberté de débattre et la liberté de vivre, sont des valeurs très importantes pour la France. Ceci va inciter les français à venir nombreux dans notre pays", a-t-elle affirmé.
 

Dans des déclarations à la presse, la ministre avait expliqué le faible pourcentage des touristes français (13%) en Tunisie par le fait que les médias français parlent beaucoup plus de la situation du pays que leurs confrères en Europe.
 

Elle avait indiqué que ce "désamour" ne peut durer parce qu'"entre le peuple français et le peuple tunisien, il existe une relation passionnelle qui ne peut s'interrompre durablement".
 

La femme à la volonté d'acier, convaincue de la force de l'action plus que des discours, avait aussi, lancé que "tous les citoyens doivent contribuer à la relance du tourisme. Chaque tunisien doit se conduire en responsable de son pays".
 

"Les français n'ont jamais boudé la Tunisie"
 

Interrogée sur les raisons de cette attitude de prudence et d'hésitation de la part des Français, Leila Tekaya, représentante de l'ONTT à Paris, a répondu que "les Français n'ont jamais boudé la Tunisie, ils ont toujours aimé ce pays... C'est juste qu'ils sont dans une phase d'incertitude, c'est légitime et humain. Avant de prendre une décision, ils ont voulu observer et attendre que nous fassions notre ménage".
 

Selon elle, il s'agit d'une tendance générale et internationale car, aujourd'hui, à cause de la crise économique, les portefeuilles déterminent, aussi, les destinations des touristes. Ceci dit, il y a un nouvel élan de retour des touristes et il y a regain de confiance, car "tous les signes positifs (adoption de la constitution, gouvernement de compétences….) qui ont été transmis à l'échelle internationale, ont favorisé une communication positive et suscité de nouveau la confiance au sein de la société française".
 

Mme Tekaya estime que le cap le plus difficile, à savoir la perception d'un pays qui n'offre pas la sécurité a été franchi. "Nous sommes en train de construire sur la confiance moyennant différents leviers (images, publicité, communications, relations publiques..) et nous sommes optimistes pour cette saison", a-t-elle encore déclaré.
 

Une crise qui n'a rien de conjoncturel!
 

D'après certains professionnels tunisiens et français du tourisme, "la crise par laquelle passe le secteur touristique n'a rien de conjoncturel et relève plutôt d'une défaillance structurelle, dont les effets s'inscrivent sur le long terme".
 

Il y a lieu de signaler que le tourisme participe à la compensation du déficit commercial en Tunisie à hauteur de 62,5%, grâce aux recettes en devises qui représentent à peu près 15% des recettes globales du pays.
 

Or, la Tunisie, jadis pionnière en matière de tourisme dans la région, fait aujourd'hui figure d'une destination "pas chère" avec tout ce que cela comporte comme connotation négative et préjugés.
 

L'activité touristique est dominée par le balnéaire, qui a sanctionné, en quelque sorte, toute autre activité périphérique et contribué à la marginalisation d'autres facettes de la Tunisie "historique, culturelle, culinaire...".
 

A cet effet, les professionnels considèrent que le tourisme tunisien doit s'attaquer à tout ce qui empêche le pays de devenir une destination attrayante et l'aider à sortir du statut quo dans un monde en pleine mutation. Il s'agit, en premier plan, des problèmes d'environnement qui se sont aggravés depuis la révolution et qui sont un grand frein à l'activité touristique.
 

Pays ensoleillé, riche de paysages naturels et au climat tempéré, la Tunisie est à même d'accueillir des touristes du monde entier, à condition de hisser le secteur touristique à un niveau supérieur et à suivre le rythme des mutations à l'échelle internationale, alors que se développe le "tourisme digital"..

 

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