Doria Achour, un travelling entre Paris et Tunis

« Je vais en Tunisie tous les ans, la première fois, j’avais 6 mois ». Tunisienne par son père, Russe par sa mère, Doria Achour est fière de ses origines. Fin 2014, l’actrice était en Tunisie pour jouer dans son premier film en langue arabe : Burning Hope (titre provisoire) est également le premier long-métrage de Lotfi Achour, son père, en tant que réalisateur. Il met en scène trois jeunes unis par un drame survenu dans la nuit du 14 au 15 janvier 2011, en pleine révolution, et qui se retrouvent trois ans plus tard.

« C’est un portrait de la Tunisie au sens large et de la jeunesse tunisienne », indique Doria Achour, 24 ans. Comme son père, comédien puis metteur en scène de théâtre, l’actrice a choisi de passer derrière la caméra. En 2013, elle réalise son premier court-métrage, Laisse-moi finir. Une anecdote précise lui a donné envie d’écrire le scénario. « J’étais en robe dans la rue, j’attendais une copine devant une mosquée, se souvient-elle. Un mec passe et me crache sur les pieds. Juste après, une femme voilée klaxonne et m’insulte. Ca faisait beaucoup… Le pays a vraiment changé sur certains aspects. On t’impose des trucs qui n’existaient pas avant. »

Deux ans après la révolution, la Tunisie est en pleine reconstruction et a encore du chemin à parcourir. C’est le message que Doria Achour, agnostique, a voulu faire passer dans cette œuvre à travers son personnage principal, une femme aussi déçue par l’amour que la politique. Son court-métrage, projeté dans plusieurs festivals, a gagné le Prix du public du concours de courts-métrages Made in Med, en juin 2014.

Fan de plusieurs réalisateurs, d’Ingmar Bergman à Terrence Malick, en passant par Gaspard Noé, Doria Achour souhaite maintenant passer au long-métrage. Elle a terminé l’écriture de son premier film dont l’intrigue se déroulera en partie à Tunis. « Elle a une vraie passion pour le cinéma et donnera beaucoup pour cet art », estime Cheyenne Carron qui l’a dirigée dans La Fille publique.

La jeune actrice a d’autres projets, elle écrit actuellement une série sur l’adolescence, une période qui la fascine : « J’ai un petit frère de 16 ans, il grandit très vite. J’avais le même âge il n’y a pas si longtemps et les codes ont changé très rapidement. Il y a quelque chose qui m’intéresse dans cette période… Tu es au lycée et on te demande de choisir ta voie alors que tu n’es même pas encore construite. Et puis tout est pris à vif, tout va très vite. »

C’est précisément au cours de cette période charnière qu’elle réalise, un jour en Tunisie, que la situation politique du pays n’a rien d’anodine : « Je me suis rendue compte qu’il était interdit de parler de Ben Ali dans un taxi à cause des indics. Et puis il y avait le côté propagande avec ces affiches partout. » Le thème de l’adolescence est aussi très présent dans sa filmographie. En 2012, Doria Achour incarne dans La Fille publique la jeune Yasmeen, un personnage inspiré de la jeunesse de Cheyenne Carron. « Il y a quelque chose de moi plus jeune que je retrouvais chez elle. Un côté un peu impétueux, volcanique, rageur, dissimulé sous une petite gueule d’ange », explique la réalisatrice.

Pour Doria Achour, il s’agit du rôle le plus important de sa jeune carrière. Grâce à ce long-métrage, elle est repérée par Sylvie Ohayon. Celle-ci l’engage pour le premier rôle de son film où elle partage l’affiche avec Marc Lavoine et Aure Autika. « C’est une jeune femme très intelligente, et le fait qu’elle soit métisse comme moi m’intéressait », indique la réalisatrice d’origine tunisienne et algérienne. Là encore, Papa was not a rolling stone est un film autobiographique sur la jeunesse de Sylvie Ohayon.

Doria Achour n’a pas toujours voulu être actrice, mais ses premiers pas cinématographiques sont arrivés vite. Enfant de la balle, elle évolue dans « un milieu d’artistes, mais pas bourgeois ». Sa mère est auteure de pièce de théatre, et son grand frère est producteur. Du côté maternel, ses oncles travaillent dans le cinéma et sa grand-mère est poète.

En 2002, elle incarne la fille de Sergi Lopez dans Les femmes… ou les enfants d’abord de Manuel Poirier. Après cette première expérience, elle obtient des rôles secondaires dans quelques films. Côté étude, l’actrice férue de littérature a décroché une licence de lettres à Paris VII et elle prépare actuellement un master de cinéma à Paris I. Mais cette passionnée de cinéma russe ne finira probablement pas son mémoire consacré à l’onirisme et la représentation chez Andreï Tarkovski. Le temps lui manque et il lui est difficile de jongler entre la fac et les tournages. Entre Paris et Tunis.


 

Évaluer cet élément
(0 Votes)