Eternelle île de Kerkennah

By www.touwensa.net septembre 20, 2015 1093

L’île de Kerkennah, au large de la ville tunisienne de Sfax, est un petit coin de paradis, auquel le chroniqueur rend un vibrant hommage.

Sur les 60 îles et îlots de Tunisie, Kerkennah est certainement l’un des écosystèmes les plus riches et les mieux préservés tout en étant fragile et à protéger. En effet, l’écosystème de l’archipel héberge une riche faune et une flore fabuleuse, dont des espèces rares.
 

Au nord-est du golfe de Gabès qui est l’une des trois grandes dépressions du littoral tunisien, considérées quasiment comme la nurserie de la Méditerranée, pépinière d’un système naturel marin encore préservé, les îles Kerkennah sont surtout riches de crustacés, crevettes notamment, de mollusques, seiches, poulpes et palourdes particulièrement, ainsi que de spongiaires, éponges tellement réputées des îles.
 

Celui qui se rend une seule fois sur cette terre bénie s’y retrouve pour toujours, physiquement ou par l’esprit. Tout autant que la nature, il y renoue avec le passé à jamais actuel même s’il est lointain. Et le souvenir mâtine les riches heures du présent.
 

Mythique Kerkennah
 

L’âme y est souvent de ce bleu d’encre se déversant du ciel en de vastes étendues verdoyantes, l’horizon profilant des lougres et des felouques ; trois mâts, voilure au vent, deux mâts inclinés sur l’avant, un fanal en haut, mât de cocagne. Galbé à l’avant, majestueux à l’arrière et poivré dans les écoutilles, le vaisseau du rêve est aux critères de la féminité symbolisée par le loud de Kerkennah.
 

On ne voit pratiquement plus cette traditionnelle silhouette du paysage maritime de Kerkennah d’antan. Voilier long d’une dizaine de mètres, aux formes avant et arrière, si fines, de poisson, muni tantôt d’une seule grande voile, tantôt d’une deuxième, petit triangle de toile à l’avant. Il était partout : à la pêche aux poulpes, aux éponges et aux pêcheries ou au transport des feuilles de palmier ; son faible tirant d’eau, sa trinquette et sa grand-voile au tiers lui donnaient une grande vélocité pour naviguer très tard sur les plateaux de peu de mer ou par temps mauvais.
 

 

L’été, la chaleur aidant, il arrive à certains vieux des îles de coucher sous les étoiles auprès des pampres ou des rameaux d’olivier, pistant dans leurs rêves ainsi démultipliés la trace des chimères. Ils assurent qu’elles circulent au pied des palmiers dattiers avec leurs compagnons au plumage fauve au chant agréable, les fauvettes et les becfigues. Ils savent pourtant qu’entre olivettes et figueries, vignoble et palmeraie, il arrive souvent qu’on tombe sur des scorpions, des plus inoffensifs au plus venimeux. Mais la baraka accompagne les gens de bonne foi, assurent-ils, car la nature respecte la nature ; et elle est fabuleuse à Kerkennah, surtout quand l’humanité se révèle imparfaite.
 

Dans l’eau, on tombe parfois sur d’antiques débris de poteries en terre cuite, poignées d’amphores ou morceaux de céramiques romaines. Les courants portent ainsi jusqu’aux pieds des baigneurs le passé. A Kerkennah, on est dans le temps et hors du temps ; les îles regorgent d’histoire qui nous observe.
 

Au bout d’une piste, pas loin de la zone touristique de Sidi Fredj, s’élève Borj El-Hassar : un mur dominant la terre et la mer, vestige isolé d’un fortin espagnol. Les fouilles archéologiques ont mis au jour différentes strates, des vestiges de villes phénicienne et romaine, dont tout un quartier romain datant du VIIe siècle avant J.-C. de ce qui aurait été l’ancienne capitale de l’archipel. Le fort dit espagnol, toujours debout, est romain et est assez bien conservé dans un endroit peu fréquenté, idéal pour la méditation sur le cours du temps.
 

Romantique Kerkennah
 

Au rafraîchissant bord de l’eau cristalline, la mer est toujours d’un bleu lumineux aux yeux rêveurs de mille éclats ensoleillés. A l’horizon, les petites barques colorées ondulent, armées d’une voile latine, les avirons scintillent de feux follets. Dans un vaste pré s’étendant derrière, un bocage clôturé d’oponces surmontés de grandes fleurs et de figues de Barbarie, quelques moutons s’engraissent d’une herbe encore humide aux perles traçant le matinal passage de la marée.
 

Si l’on s’arrête au ponceau reliant les parties orientale et occidentale de la grande île, près de la chaussée romaine, on a pratiquement une vision panoramique des îles. Une voix remonte alors du passé, celle d’un souvenir jamais oublié, beau à toujours se remémorer. La beauté de la grande île avec ses deux parties humainement colorée n’a d’égale que celle des îlots déserts où les touristes et de très rares naturistes des îles allaient bronzer nus comme des vers.
 

De la mer aux moutons se promenant en liberté, aux felouques immobilisées au large, le regard de l’amoureux captif de Kerkennah se balade, et il se sent comme le poisson n’ayant nul choix à quitter l’eau que de mourir ou venir décorer un aquarium.

 

 

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Dernière modification le samedi, 19 septembre 2015 12:00