Tourisme : Sans les Algériens et les Russes, ça aurait été la catastrophe !

By Rédaction en ligne septembre 05, 2016 1199

Le tourisme a été toujours un pilier de l’économie tunisienne. Outre son apport dans le PIB qui tourne entre 7 et 10%, c’est un secteur à forte employabilité directe et indirecte ainsi qu’un capteur d’investissements et de devises. Or, depuis 2011, les années se suivent mais les résultats ne sont plus au rendez-vous. En plus, les attentats de Bardo et de Sousse n’ont pas arrangé les choses. La fin de l’été a sonné et avec elle la fin de cette saison touristique 2016 et les chiffres officiels sont plus qu’éloquents. Bilan d’un secteur qui peine à sortir de la tête de l’eau.

La haute saison vient de s’achever et avec elle tout espoir d’améliorer la situation. Ainsi et selon les indicateurs jusqu’au 31 août 2016 communiqués par l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) à Business News, 3.787.158 visiteurs ont fait leur entrée les 8 premiers mois de 2016 en Tunisie, en baisse de 1,6% par rapport à 2015 (qui représente une année blanche à cause des attentats) et en baisse de 25,2% par rapport à 2014. Pire, ces chiffres sont gonflés par les entrées des Tunisiens résidant à l’étranger, représentant 23% des entrées, calcul qui n’avait pas lieu avant la révolution.

En effet, seulement 2.915.242 touristes étrangers ont visité la Tunisie cette année (-31,7% par rapport à 2014), au cours de ces 8 premiers mois de 2016. On rappelle, dans ce cadre, que l’ensemble des entrées touristiques des touristes étrangers était de 6.902.749 sur l’ensemble de l’année 2010, donc plus que deux fois plus que pour ces 8 premiers mois !

Ce bilan terne est marqué par une baisse des principaux marchés européens de la Tunisie, en l'occurrence la France (-49,4% par rapport à 2014), l'Allemagne (-71,6% par rapport à 2014) et la Grande Bretagne (-94,8% par rapport à 2014), pour ne pas dire par la baisse de tous les marchés européens (-51,9% par rapport à 2014). Seuls quelques pays de l’Europe de l’Est (Ukraine et Slovénie) nous sauvent, et à leur tête la Russie avec l’arrivée en Tunisie de 451.432 Russes, en hausse de 875,5% par rapport à 2015 et de 110,7% par rapport à 2014.

Ainsi, hors marché russe, la baisse des entrées européennes est de 70,31% par rapport à 2014. Le marché européen, qui représentait 40,3% des entrées touristiques en 2014, n’est plus que de 25,9% aujourd’hui !

Pour le marché maghrébin, les Algériens restent nos plus fidèles alliés et n’ont jamais failli à la Tunisie même aux plus sombres moments. Ils sont toujours au rendez-vous et les entrées se sont même améliorées par rapport à 2014 (1.118.979 visiteurs, soit +35,5% par rapport à 2014). En contre partie, on enregistre une baisse des entrées des Libyens (696.221 visiteurs, soit -17,1% par rapport à 2015 et -44,4% par rapport à 2014). Globalement, le marché maghrébin reste sable par rapport à 2015 et régresse de 12,5% par rapport à 2014.

Autre volet, pour la période allant du 1er janvier au 20 août, les nuitées ont enregistré une baisse de 40,4% par rapport à 2014 et 52,5% par rapport à 2010, passant de 23.259.629 nuitées en 2010 à 18.528.146 nuitées en 2014 puis à 11.040.633 en 2016. Le taux d'occupation a baissé passant de 52,3% en 2010 à 45,5% en 2014 puis à 29,7% en 2016, soit -43,2% par rapport à 2010.

Les recettes touristiques ont atteint jusqu’au au 20 août 2016, 1.405,5 millions de dinars (MD) contre 2.123,6 MD en 2010, soit une baisse de 33,8%. Une baisse conséquente de 46,5% en termes d’entrée en euros, alors que le pays en a le plus besoin maintenant, en cette période difficile que traverse l’économie tunisienne.

Contacté par Business News, le président de la Fédération tunisienne des agences de voyages (FTAV), Mohamed Ali Toumi, a souligné dans sa lecture de ces derniers chiffres que la saison touristique a été sauvée par les Russes. Ceci dit, il a rappelé que ces derniers se sont tournés vers la Tunisie à cause de l’inaccessibilité pour eux de la Turquie et de l’Egypte. Pour lui, il faut tout faire pour les garder, notant que le produit tunisien n’est pas forcément adapté à eux et pointant quelques problèmes durant leurs séjours. «Ce volet fera l’objet d’une prochaine réunion de la FTAV», a-t-il confessé, sans vouloir en dire davantage.

Concernant les maghrébins, il a souligné que plusieurs chantiers sont à faire pour rendre leurs séjours plus agréables et pour les faire entrer dans les canaux officiels, notamment l’Office des frontières ainsi que des aires de jeu et de repos aux frontières.

Autre point abordé, il faut que la diplomatie tunisienne travaille sur la levée des restrictions de voyage imposées sur la destination Tunisie. En effet, M. Toumi note l’amélioration de la situation sécuritaire dans notre pays, en rappelant que nul n’est à l’abri du terrorisme, la preuve étant les récentes attaques subies par la France, la Belgique ou la Turquie. La lutte contre le terrorisme est un travail de longue haleine, imposer des restrictions sur la Tunisie, c’est servir les intérêts des terroristes en privant la Tunisie d’une part importante de sa croissance économique.

Tout en remerciant le TO tunisien qui a capté les Russes, Mohamed Ali Toumi a expliqué que le produit classique balnéaire n’est plus suffisant et qu’il faut développer d’autres produits qui durent sur toute l’année et qui permet une stabilité de l’emploi dans ce secteur ce qui permettra aux professionnels de mieux rémunérer leurs employés et surtout mieux les former pour mettre en place un meilleur service. Tout est lié comme il l’explique : «Comment demander à un employé de fournir un bon service, alors qu’il ne reste que les 3 mois de l’été ?».

Pour sa part, le secrétaire général de la Fédération tunisienne d'hôtellerie (FTH), Wajdi Skhiri, a confié à Business News que le secteur touristique travaille aujourd’hui au rythme d’une huilerie, à peine 4 mois, alors que les hôteliers ont investi dans des infrastructures qui couvrent la basse et la haute saison. Il a noté dans ce cadre, que pour 2016, le marché russe a sauvé cette saison.

Pour lui, le marché tunisien dépend trop des tour-opérateurs (TO) qui font la pluie et le beau temps. Il estime que l’Open Sky et les vols low-cost seront la solution et permettront aux touristes de venir sans passer par des TO, créant un renouvellement vers le haut. Ainsi, il propose, dans ce cadre, que Tunisair travaille seule sur l’aéroport de Tunis-Carthage et que les compagnies et de lui créer une filiale low-cost, ce qui permettra de sauver son surplus d’effectifs en adoptant le modèle d’Air France avec Transavia.

Autre axe à développer en Tunisie, celui du tourisme de 3ème âge de long séjours, en passant des accords avec les comités d’entreprises, les syndicats et les caisses de sécurité sociales. La Tunisie pourrait ainsi capter 1 million de touristes par an de ce genre. Le pays pourrait également développer un tourisme de shopping, la Tunisie produisant aux plus grandes marques dans le monde, en instaurant une détaxe qui encouragerait ce genre de tourisme.

Il fait remarquer que la reprise du secteur touristique profiterait à tous les autres secteurs, étant tous liés (transport, restauration, agriculture, commerce, artisanat, etc.). Prenant l’exemple de la colère des agriculteurs du secteur laitier et des centaines de litres de lait déversés par terre. Il a rappelé que selon les statistiques, un touriste consomme 1 litre de lait par nuitée, ce qui correspond actuellement au gap entre la production laitière du pays et la consommation (moins de touristes).

«De simples décisions, et non pas des investissements massifs, pourraient améliorer le secteur touristique», a martelé Wajdi Skhiri, en rappelant que les professionnels du secteur ont souvent été écartés des dialogues avec le gouvernement, comme s’ils n’existaient pas !

Un sentiment partagé par Mohamed Ali Toumi qui pointe la dernière décision de Néji Jelloul concernant le changement du calendrier et des vacances scolaires. En effet, ce changement affecte directement le tourisme local en Tunisie et bouleverse la dynamique économique du pays et celle du secteur. Il s’est interrogé, dans ce cadre, sur le devenir des festivals de Douz et de Tozeur.

«Bien que nous ayons beaucoup de respect pour le ministre de l’Education, nous sommes étonnés du lancement de cette initiative et des chambardements qu’elle va provoquer, impactant directement le tourisme local, sans que les professionnels de notre secteur aient été consultés !», s’est offusqué M. Toumi.

Le secteur touristique est un secteur important de l’économie tunisienne, il représenterait selon une étude faite en 2005 par l’AFD 19% du PIB. En 2010, il représentait 96.611 emplois directs, 289.833 emplois indirects et 376,4 MD d’investissement, selon l’ONTT. Aujourd’hui, ce secteur vit plusieurs problèmes et a besoin de la mise en place de décisions urgentes pour le faire sortir de cette spirale infernale et lui permettre une reprise, afin qu’il redevienne une force motrice de l’économie tunisienne et non pas un boulet.

 

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