A Trappes, le "papy" de Jamel Debbouze lâche les rênes de son théâtre

Touwensa (agences). Mokhtar TRIKI

"Papy" de Trappes, "c'est quelqu'un qui m'a filé confiance". A 50 ans, le découvreur de Jamel Debbouze, qui a transmis le virus de l'impro à près de 3.000 jeunes, se retire du Déclic théâtre mais pas de son combat pour une "culture républicaine" dans les quartiers.

Des ateliers de son Déclic théâtre, qu'il a cofondé en 1993 à Trappes pour développer l'improvisation théâtrale dans la partie pauvre des Yvelines, sont sortis quelques perles d'humour.

Certaines squattent le box-office, les ondes radios, les planches et le petit écran.

Jamel Debbouze, Sophia Aram, Arnaud Tsamère, Issa Doumbia et d'autres, ont fait leurs classes chez "papy", surnom vestige du temps où Alain Déçois, ado, imitait le "Papy Mougeot" de Coluche mais qui sonne bizarre chez ce quinquagénaire bonhomme au regard de gosse.

"Depuis plus de 20 ans, avec l'impro, des collégiens et lycéens se retrouvent dans des espaces de création en laissant à la maison les problèmes d'école et d'argent, la religion et les origines", explique "papy". Dans le lot, il y avait donc Jamel.

Leur rencontre remonte à 1990: Papy a 27 ans, Jamel, 15. "Papy" anime un atelier d'improvisation au collège Gustave-Courbet de Trappes quand une "tête à claques" lui lance: "oh les bouffons à quoi vous jouez?", raconte-t-il dans son livre "Made in Trappes", paru en février.

"Je lui ai dit: descends et viens me montrer ce que t'as dans le ventre! Il a fait son show, il est revenu aux ateliers et là c'était fini pour lui", rigole "Papy". Cinq ans plus tard, il mettait en scène le premier spectacle de Jamel, "C'est tout neuf", qui l'a propulsé.

Jamel: "Il nous a apporté de la considération"

Aujourd'hui, son "fiston" est "un homme public et un chef d'entreprise, mais avant tout, il a bousculé les lignes de la culture et tracé la voie pour d'autres jeunes".

Dans un hôtel de luxe où il enchaîne les interviews pour le film "La Marche", Jamel Debbouze renvoie le compliment à son ex-mentor qui "a apporté un truc dont on a tous besoin (...), la considération".

"Moi je suis un des mecs les moins confiants de la planète, pas très grand, pas très beau, un bras dans la poche, c'est chaud… Mais c'est quelqu'un qui m'a filé confiance, qui m'a regardé différemment, je lui dois beaucoup à +Papy+", confie le comédien à l'AFP.

Fier du parcours de son ancien poulain et du succès du tournoi d'improvisation théâtrale porté au niveau national, le coach a pourtant la victoire amère: "l'impro n'est pas une pratique assez noble selon certains milieux culturels élitistes qui pensent que l'on ne fait pas du théâtre, mais du social ou du showbizness".

Las du manque de reconnaissance et de "la bataille constante" pour les subventions, "Papy" a passé la main de la direction artistique du Déclic Théâtre à la rentrée, "pour retrouver sa liberté".
Avec la boîte de production AD2 qu'il a créée, il s'attelle à faire émerger d'autres talents, comme l'humoriste Bun Hay Mean. En parallèle, il rêve d'envoyer "des brigades de comédiens" pour répondre à "l'urgence culturelle et républicaine" dans les villes en panne de lien social.

"+Papy+ a beaucoup donné mais n'a pas beaucoup reçu, à part des coups", reconnaît Robert Cadalbert, le président PS de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui le connaît depuis 30 ans.

"Il défend, parfois avec des mots tranchés, la culture comme rempart aux intégrismes. Sa liberté de ton et de faire a pu déranger certains élus locaux et acteurs culturels qui voulaient garder le contrôle de la culture sur leur territoire", poursuit l'élu.

"Papy", lui, reste convaincu que "la production artistique peut générer un bénéfice social et civique en éloignant les jeunes du repli communautaire".

Et il s'énerve lorsqu'il parle de SA ville, Trappes, "qui a brûlé" cet été, après le contrôle d'identité mouvementé d'une femme portant le niqab, en raillant au passage "le déni des politiques face à la montée du communautarisme".

Mais "Papy" n'est pas "celui qui va sauver la banlieue". "Il y a des +Papy+ partout en France!", sourit-il.
 

Évaluer cet élément
(0 Votes)