26ème Nuit des Molières

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Tel le phénix qui renaît de ses cendres, les Molières reviennent sur France 2.

Au mois d’avril 2011 la cérémonie des Molières est annulée. Une lutte intestine digne des Atrides secoue durement l’Académie des Molières, et malgré l’intervention du ministère de la culture, la cérémonie n’aura pas lieu. La hache de guerre est déterrée et le Palmarès du Théâtre en 2013, organisé par les dissidents, sera tout simplement un échec cuisant. Pourtant les gagnants avaient pour nom : Robert Hirsch, Grégory Gadebois, Jean Bellorini. Tient déjà ?
 

Mais les Molières qui allaient être remis le 2 juin 2014 seraient-ils ceux de 2013 ou vraiment de 2014 ? Ne seraient-ils pas des Molières de rattrapage ? Le mot rattrapage n’est pas discréditant, ni offensant, mais on peut se poser légitimement la question.
 

Il fallait montrer patte blanche pour accéder aux Folies Bergères. Des CRS, très élégants avec leurs bottes noires impeccablement cirées, leurs gilets pare-balle, et tous leurs petits gadgets : matraque, armes et mine patibulaire (ils ne concourraient pas pour le Molière de la comédie) nous firent une belle haie d’honneur. Personnellement nous préférons la garde républicaine à cheval mais la rue Richer est trop étroite. En animation extérieure une manifestation de la CGT, avec des intermittents et des panneaux. Ils ne seront pas oubliés durant la soirée.
 

Le choix de Nicolas Bedos comme maître de cérémonie nous avait laissé sceptique. Son ton provocant, son vocabulaire foncièrement vulgaire dans certaines chroniques télévisuelles nous avaient fait craindre le pire. Mais c’est un Nicolas Bedos séduisant et brillant qui a mené tambour battant cette soirée réussie... mais sans éclat. Le mot d’ordre de la chaîne était de ne pas déborder. Bien rester dans les lignes, canaliser les enthousiasmes des gagnants. Pas question de remerciement à rallonge, et pour cela deux armes de dissuasion : une musique tonitruante et la menace d’égorger deux adorables chatons, menace d’un mauvais goût achevé.
 

La soirée commence bien avec la présence rare de la révélation masculine 1934. Certes le vieillard chenu et cacochyme arrive difficilement au pupitre, mais sous le maquillage se cache le formidable Denis Podalydès. Nicolas Bedos appelle Guillaume Gallienne pour remettre un Molière. Il tarde. Mais que fait Guillaume ? Bon camarade, Nicolas se précipite dans les coulisses et se retrouve dans la loge de Guillaume Gallienne à la Comédie Française, avant son entrée en scène pour jouer Lucrèce Borgia. Ah la Magie du « pas direct » ! Jean Dujardin fera une apparition très appréciée et inattendue. Le maître de cérémonie l’interpelle « mais enfin, Jean, que fais-tu là ? Tu n’as pas joué au théâtre ! » Notre french lover numéro Un aime les remises de prix ! Et alors ! Dans l’addiction des prix, une mention spéciale à une diva Fauvesque, un compromis assez réussi entre la Castafiore, et Sarah Bernhard. D’après nos informateurs, elle serait la grande tante de Michel Fau. Florence Foresti, plus ravissante que jamais nous fera une Phèdre inattendue. Bedos père viendra parler du complexe d’Œdipe de son fils.
 

Le casting pour le meilleur remettant d’un Molière était très drôle. Beaucoup plus que le numéro mal réglé d’Yvan Attal et Elsa Zylberstein qui plomba un peu l’ambiance.
 

Nicolas Bouchaud est le représentant officiel des intermittents. Son discours puissant et loin de toute langue de bois soulignera que tous les membres du gouvernement soutenaient leur juste revendication. Le pouvoir rend sourd. Un Molière de la trahison sera décerné à François Rebsamen, qui n’en demandait pas tant. Valérie Dréville qui reçoit le Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre public pour Les Revenants, dira un beau texte pour les intermittents. Isabelle Gélinas recevra le Molière de la comédienne dans un spectacle de Théâtre Privé, pour Père. La pièce de Florian Zeller recevra trois Molières puisque l’immense Robert Hirsch recevra celui de comédien dans un spectacle de Théâtre Privé. L’an passé Robert Hirsch avait reçu le prix du Palmarès, tout comme Grégory Gadebois. Est-ce pour bien mettre les points sur les "i" et affirmer que les Molières come back, avec la volonté affichée d’oublier ces années de fâcherie !
 

Le Molière du comédien dans un spectacle de théâtre public sera décerné à Philippe Torreton pour son Cyrano qui ne rassemble pas le public. Le comédien fera un joli discours et dira toute sa déception face au pouvoir.
 

La séparation entre théâtre public et théâtre privé pour les prix est une bonne chose, peut-on sérieusement mettre en balance une comédienne qui joue Phèdre et une autre qui joue Folle Amanda ? Par contre les votants n’ont pas apprécié d’avoir à choisir entre un bulletin théâtre privé et un autre théâtre public. Certain ont décidé de ne pas voter, d’autre de boycotter la soirée. L’académie a envoyée une lettre expliquant que seul le temps très court de préparation avait justifié cette séparation ! Nous prenons acte.
 

Fabrice Lucchini remet le Molière d’Honneur 2014 à Michel Bouquet. Un Michel Bouquet très ému, qui reçoit modestement l’hommage de la profession. Spontanément toute la salle se lève et fait la plus longue et nourrie Standing Ovation de l’histoire des Molières. Un vrai et beau moment d’émotion.
 

Émotion palpable également pour Isabelle Sadoyan recevant son Molière pour un second rôle pour l’origine du monde la pièce de Sébastien Thiéry.
 

Le grand vainqueur de la soirée est Alexis Michalik pour ses deux spectacles Le porteur d’histoire et Le cercle des illusionnistes. Jeanne Arenes, dont la joie faisait plaisir à voir, reçoit le Molière de la révélation féminine.
 

Le Molière de la révélation masculine est reçu avec beaucoup d’humour par Grégori Baquet, il n’y a pas d’âge pour être révélé !
 

Le Molière du comédien dans un second rôle couronne le sympathique Davy Sardou qui nous fera bien rire en remerciant Francis Huster de n’avoir jamais joué la même pièce d’un soir à l’autre, L’Affrontement. Il rendra un bel hommage à son père présent dans la salle et à ses grands parents Jackie et Fernand Sardou comédiens tous les deux, et fort populaires en leur temps. Ils peuvent être fiers du petit.
 

Même si Grégory Gadebois mérite amplement un Molière seul en scène pour Des Fleurs pour Algernon, on regrettera que l’excellent Mikaël Chirinian nommé pour La liste de mes envies ne soit pas monté sur scène. Parfois le choix est difficile voire cornélien.
 

Jean Bellorini recevra différents prix pour ces Paroles gelées créées depuis 3 ans dont le Molière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre public, tandis que Ladislas Chollat recevra le Molière du metteur en scène d’un spectacle de théâtre privé pour Père. Son bonheur était éclatant.
 

Molière de la comédie pour Dernier coups de ciseaux, encore une belle réussite de Sébastien Azzopardi.
 

Le Molière fourre-tout dénommé Molière de la création visuelle (scénographie, lumière, costumes) et pourquoi pas le bar de l’entracte. Les comédiennes de Tabac rouge les recevront de façon fort personnelle.
 

Au bilan de la soirée, un bon Maître de Cérémonie et une soirée assez rythmée. Les prix couronnent des succès, des comédiens confirmés. Mais nous ne sommes pas sûrs que ces Molières remplissent les salles de théâtre. Avec plus d’un million de téléspectateurs, la soirée a peut-être trouvé son bon horaire. Jean-Marc Dumontet le président des Molières, peut être fier. Ce ne fut pas facile de faire renaître cette soirée, espérons que la prochaine édition sera encore meilleure.
 

 

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