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Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI
Bien du temps est passé depuis la montée des dieux dans le Walhalla, leur nouvelle résidence. A peine terminée à la fin de Rheingold/L’Or du Rhin, débarrassée à présent des gravats qui traînaient encore à leur arrivée (Voir 3735 la critique du 9 mai 2013), badigeonnée d’une peinture verdâtre et enrichie de quelques meubles, elle offre aux dieux un cadre de vie relativement confortable. Les tensions familiales ne se sont pas éteintes pour autant, bien au contraire !
Le nouveau mariage de Wotan avec Fricka, porte le germe de la discorde familiale, la nouvelle épouse devant cohabiter avec la fille guerrière –Brunehilde la Walkyrie- que Wotan a eue d’Erda, la terre. Pour le moment, les questions de l’or volé à Alberic, l’Anneau miraculeux et les factures payées aux géants sont des histoires anciennes, totalement oubliées. Au Wotan intrigant et bâtisseur d’antan a succédé un paterfamilias uniquement soucieux de sa propre protection et du bien-être des siens.
Or le danger vient de l’intérieur même de la famille. Deux autres fils de Wotan –les jumeaux hétérozygotes Siegmund et Sieglinde- nés d’une mortelle - le dieu n’a jamais été regardant sur ces détails-, se sont rencontrés, se sont aimés et se sont enfuis du territoire de Hunding, le féroce mari de Sieglinde. Si Wotan prend le parti de ses enfants, Fricka elle, défenseur du mariage et de la famille, se prononce en faveur de Hunding le mari légitime. La Walkyrie, tournant le dos aux lois défendues par Fricka, trahit le père en essayant vainement de protéger Siegmund, son demi-frère, et donc reçoit la punition conséquente à sa désobéissance : elle perd sa nature divine et est laissée endormie à la merci d’un mortel. Suprême concession de Wotan : la vierge est entourée d’un cercle de feu : seul un héros pourra réussir à passer la barrière. L’histoire nous apprend que le héros en question sera Siegfried, petit-fils du dieu et neveu de la Walkyrie.
Une décoration relativement minimaliste.
Robert Carsen et Patrick Kinmmont ont signé conjointement la conception de la production. Ils se sont donné comme objectif principal la simplification des décors. Point de maison pour Hunding mais un vague campement militaire en plein air avec des tentes simples et des piles de caisses de munitions. Le Walhalla a gardé ses imposantes dimensions mais il reste ouvert et froid malgré les meubles –une table basse, quelques fauteuils, des appliques, un canapé- style IKEA, ajoutés par le décorateur. Le terrain vague, scénario du duel entre Hunding (armé d’un fusil avec baïonnette) et Siegmund (avec Notung, une simple épée, certes miraculeuse mais insuffisante), demeure un terrain vague, c’est-à-dire une scène totalement vide avec les quatre côtés peints en vert, sans doute pour montrer qu’il s’agit d’une clairière dans la forêt. Des décors, en somme, minimalistes par rapport aux décors de Jürgen Bäckmann dans la mise en scène de Günter Kämer (Voir la critique 2352 de Caroline Alexander du 10 juin 2010) mais bien riches par rapport à l’unique rideau de fonds (avec quelques nuages) que Pierre Strosser proposa pendant les 15 heures de la Tétralogie au Châtelet en 1994.
Un bel ensemble de voix quelque peu contredit par le décor.
Appuyés par un orchestre très présent, encadrés par un décor qui ne les opprimait pas mais qui, tel un puits totalement ouvert dans sa partie supérieure, leur a fait perdre en puissance, les chanteurs ne se sont pas montrés vraiment à l’aise sur scène. Greer Grimsel a interprété Wotan d’une voix ferme et claire, un peu trop claire, avec une juste proportion de métal ; toujours vaillant, il a cependant montré un point faible en cédant trop vite aux injonctions de Fricka. Très touchant lorsqu’il a confié qu’il attendait surtout la fin (Die Ende !), sa propre fin, et aussi très émouvant à l’heure de punir sa fille. Mais surtout c’est Eva Maria Westbroeck qui a pris la vedette dans le personnage de Sieglinde, épouse résignée de Hunding, amoureuse de son frère Siegmund, acceptant avec une grande joie le rôle de la mère de Siegfried le futur héros qu’elle porte en son sein. La cantatrice a chanté souvent sur le devant de la scène, évitant ainsi le piège involontaire tendu par le décorateur ; elle a survolé vocalement le rôle d’une voix ferme et sure qui a communiqué au spectateur la pureté des intentions du personnage. L’anglaise Catherine Foster –Brünnhilde, grâce à son beau timbre, les phrasés parfaitement compréhensibles- s’est exprimée dans un ressort plus dramatique mais avec une égale intensité et le même lyrisme surtout à l’heure de la repentance face à son père. Katarina Karnéus fut un peu mois convaincante dans le rôle de Fricka ; elle fut inaudible par moments, en grande partie à cause de son positionnement en plein milieu de la scène. On ne s’attardera pas sur le travail de Frank van Aken, Siegmund très décevant, chantant les notes une à une, sans expression, sans liaison, visiblement dépassé par le rôle.
Jouer Richard Wagner, toujours un plaisir évident pour l’orchestre du Liceu
Les nombreux wagnériens sont manifestement sortis satisfaits et convaincus des performances de l’orchestre de la maison, dirigé par Josep Pons, comme ce fut le cas pour le Rheingold l’an dernier. Le chef catalan, fin connaisseur de la musique de Richard Wagner, un peu lent par moments –mais aussi dirigeant l’orchestre à toute allure pendant la chevauchée- s’est maintenu très attentif aux situations dramatiques et a dosé avec précision les alternances de fougue et de lenteur, de violence et de douceur, de soin du détail et de la démesure de cette partition.
Die Walküre. Drame musical en trois actes, première journée du Ring der Nibelungen. Livret et musique de Richard Wagner. Mise en scène de Robert Carsen. Direction musicale de Josep Pons. Chanteurs : (les 23, 27 et 30 mai 2014) Franck van Aken, Ante Jerkunica, Greer Grimsley, Eva Maria Westbroek, Catherine Foster, Katarina Kornéus, Sonja Mühleck, Maribel Irtega, Kismara Pessatti, Pilar Vazquez, Daniela Köhler, Kai Rüütel, Anna Tobella, Ana Häsler.
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