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Touwensa (Agences). Mokhtar TRIKI
Le temps exécrable de ces derniers jours n'incite guère à mettre le nez dehors. Et même si l'envie vous en prenait, la terre est bien trop mouillée pour être travaillée dans de bonnes conditions. Mieux vaut donc remettre tout cela à plus tard et profiter de la grisaille pour s'adonner à d'autres activités, plus intellectuelles que manuelles, en savourant la chaleur douillette d'un bon feu de bois.
L'hiver est en effet la saison idéale pour programmer des travaux futurs, se plonger dans la lecture des catalogues de variétés à la recherche de «la» nouveauté, approfondir ses connaissances agronomiques et botaniques, faire le point sur ce qui a -ou n'a pas- «marché» cette année ou tenter de résoudre certains problèmes récurrents. Et Dieu sait s'il y en a!
«Potentiel hydrogène»
Ce peut-être, par exemple, la prolifération excessive de certaines herbes dites mauvaises, des cultures qui «rendent mal» au potager ou encore des fleurs qui végètent en dépit des bons soins que vous leur apportez. Sachez que l'origine de ces maux peut tenir en deux lettres: pH ou «potentiel hydrogène». Autrement dit un manque ou, à l'inverse, un excès d'acidité de votre sol.
L'assimilation des minéraux (azote, phosphore, potassium, magnésium, fer, oligo-éléments) dont se nourrissent les plantes est en effet directement conditionnée par la quantité d'ions
hydrogène (H +) présents dans votre terrain. Certains végétaux, dits acidophiles, comme le rhododendron, la bruyère ou le camélia, ont de gros besoins en acidité, donc en ions H + (qui sont en fait des protons), quand d'autres y sont quasiment allergiques (viorne, cornouiller).
Mais il s'agit de cas un peu extrêmes. Pour donner la pleine mesure de son potentiel, un sol de jardin doit, en fait, être légèrement acide à neutre, avec un pH compris entre 6 et 7 (de 1 à 7 le milieu est acide, de 7 à 14 il est basique ou alcalin), car c'est dans cette fourchette que les nutriments sont le mieux absorbés par la plupart des plantes et que le risque de carence ou d'exposition à certains parasites est minimisé.
C'est ainsi qu'un sol trop basique a pour effet de bloquer l'assimilation du fer chez les plantes sensibles à la chlorose (jaunissement des feuilles) comme le rosier, le fraisier ou les hydrangéas. Ou de faciliter l'apparition de certaines bactéries pathogènes comme celle qui provoque la gale de la pomme de terre. De son côté, un sol trop acide peut fragiliser des cultures comme l'ail, l'oignon, le céleri et surtout le chou qui, en dessous d'un pH de 6,5, devient sensible à la hernie (Plasmodiophora brassicae).
Comment mesurer le pH
La méthode la plus simple et la plus économique consiste, dans un premier temps, à observer la flore spontanée de votre jardin. Certaines plantes sont en effet des indicatrices d'acidité. C'est le cas des pâquerettes (Bellis perennis) dont les délicats tapis de fleurs blanches illuminent votre pelouse au printemps, mais aussi de la renoncule rampante (Renonculus repens) et de l'oseille sauvage (Rumex acetosela), nettement moins poétiques.
D'autres, à l'inverse, comme le mouron rouge (Anagallis arvensis), la centaurée (Centaurea jacea) ou la renouée liseron (Polygonum convolvulus), à ne pas confondre avec le liseron, sont le signe d'un milieu basique. La géologie entre bien évidemment en ligne de compte: les sols issus de roches-mères schisteuses ou granitiques
(Bretagne, Vendée, Massif Central...) sont à dominante acide, tandis que les terrains situés sur un sous-sol calcaire (Champagne, Bassin Parisien, Causses…) sont principalement basiques.
Pour valider ce diagnostic rapide, prélevez plusieurs échantillons de terre en différents points de votre jardin, mélangez-les dans un récipient et versez-y du vinaigre blanc. Si des petites bulles de gaz carbonique (CO2) se dégagent de la solution, cela signifie que votre sol contient du calcaire et qu'il est donc alcalin. S'il ne se passe rien, confectionnez un second mélange dans lequel vous ajouterez, cette fois, du bicarbonate de soude dissous dans de l'eau. Si un dégagement de CO2 se produit, cela veut dire que votre terrain est acide. Enfin, si votre sol ne réagit ni au vinaigre ni au bicarbonate, vous pourrez en conclure qu'il est neutre.
Maintenant, si vous voulez connaître la valeur précise de votre pH, en vue notamment de le corriger, vous pouvez utiliser des bandelettes de papier pH, imprégnées d'indicateurs colorés, que l'on trouve facilement dans le commerce.
Les moyens d'y remédier
• En sol acide, il est recommandé d'épandre, du fait de leur richesse en calcium, les cendres de votre cheminée ou de votre poêle à bois. Vous pouvez également incorporer à la fin de l'hiver du maërl, du calcaire broyé, des
scories potassiques ou encore de la chaux éteinte, de formule Ca (OH)2. Respectez scrupuleusement les doses indiquées afin de ne pas modifier brutalement l'équilibre de votre sol. Plus le pH est bas (et donc l'acidité élevée) et plus la correction devra se faire par étapes en l'échelonnant s'il le faut sur plusieurs années. Procédez ensuite à des apports d'entretien pour maintenir le pH au niveau voulu. À noter qu'en sol argileux, la baisse de l'acidité rendra celui-ci moins collant et donc plus facile à travailler.
• En sol basique, l'apport régulier de tourbe ou de terre de bruyère, en quantité suffisante, est indispensable. C'est notamment le cas si vous voulez implanter une roseraie ou déguster de bonnes fraises au printemps. Procédez également à des pulvérisations, ou à des arrosages, de chélate de fer pour prévenir tout risque de chlorose. Si vous voulez cultiver des plantes très acidophiles (pH 4,5 à 5,5) comme le camélia, l'azalée ou le rhododendron, vous devrez carrément ôter la terre d'origine pour la remplacer par de la terre de bruyère. Sauf si vous habitez dans les Landes ou en Sologne, où les terrains, de type podzolique, sont naturellement très acides. Enfin, pour faire bleuir hortensias et hydrangéas, il vous suffit de descendre le pH en dessous de 6 en incorporant dans le sol de l'ardoise pilée ou des sels d'aluminium. Mais le plus simple consiste sans doute à habiter en Bretagne ou sur les plateaux du Limousin!
Sur votre agenda
• 25-26 janvier: Mimosalia. À la découverte des fougères, ginkgos, cycas... des plantes qui vivent sur Terre depuis plus de 300 millions d'années. Place Saint-François. Bormes-les-Mimosas (Var).
• 30 janvier: journée de conférences et d'échanges sur le thème «Fleurs et floraison» à la Société nationale d'horticulture de France (SNHF), Paris.
• Jusqu'au 2 février: «Noces végétales», exposition de Tzuri Gueta, grandes serres du Jardin des Plantes, Paris.
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