Les ions carbone, nouvelle arme contre le cancer

Touwensa (Agences). Mokhtar TRIKI

Il existe une technique novatrice qui permet de guérir certains cancers qui tuent encore. Cette technique, mieux connue des Japonais où elle connaît un essor important, est l'hadronthérapie aux ions carbone, encore appelée carbonethérapie.

«L'hadronthérapie consiste à envoyer un faisceau d'ions carbone au niveau d'une tumeur. Ces ions, une fois arrivés dans les cellules tumorales, créent des lésions plus graves qu'avec les autres traitements au niveau de son matériel génétique. Comme leur action est intense et le faisceau, défini avec exactitude, les cellules tumorales peuvent être très précisément visées.

Elles ne meurent pas immédiatement, mais elles ne sont plus capables de se multiplier et perdent leur immortalité. Dans un laps de temps variable selon le type de cancer, la tumeur finit donc par disparaître et l'on peut parler de véritable guérison», explique Jean-Yves Giraud, docteur en physique médicale, responsable de l'équipe de physique médicale du CHU de Grenoble.
 

Et c'est bien ce double effet - précision physique et pouvoir biologique destructeur renforcé des cellules visées - qui fait l'intérêt de la carbonethérapie, tout spécialement pour des tumeurs radiorésistantes. «On parle de tumeurs radiorésistantes lorsqu'elles ne sont pas stérilisées avec la radiothérapie classique, du moins aux doses administrées. En effet, pour être efficace, il faudrait recourir à des doses de rayons insupportables pour l'organisme. Dans ce type de situation, la carbonethérapie peut offrir une alternative intéressante», remarque le Pr Jean-Léon Lagrange, du service de radiothérapie de l'hôpital Henri-Mondor, à Créteil.
 

Les chiffres sont d'ailleurs là pour le prouver. Le Pr Jacques Balosso, chef du service de radiothérapie du CHU de Grenoble et directeur du Groupement de coopération sanitaire Étoile, qui œuvre pour la naissance du premier centre français d'hadronthérapie, rappelle que «cette technique permet d'obtenir 25 % de guérisons de plus que les thérapies conventionnelles dans certains cancers bien spécifiques (essentiellement des cancers de la tête et du cou, des tissus mous et du squelette). Il s'agit donc bien d'une réelle avancée médicale et d'ailleurs, en cancérologie, les médicaments et autres thérapies améliorant le taux de guérison de 25 % par rapport à la thérapie de référence se comptent sur les doigts d'une main».
 

Nombre réduit de séances
 

Il n'y a pas que sur le plan de l'efficacité que l'hadronthérapie fait mieux que la radiothérapie conventionnelle, toujours pour ces indications bien précises que sont les tumeurs des glandes salivaires, des sinus de la face, de la base du crâne, du squelette, etc. «Comparativement aux rayons X (radiothérapie) qui traversent l'ensemble du corps et irradient donc au passage des cellules saines, les ions carbone s'arrêtent à la profondeur souhaitée (donc au niveau de la tumeur). Autrement dit, toutes les cellules saines en aval de la tumeur sont épargnées. En outre, ces ions carbone sont extrêmement destructeurs mais uniquement en fin de parcours, au niveau des cellules cancéreuses», insiste le Pr Balosso. Avis partagé par le Pr Lagrange: «Le fait de pouvoir irradier à une certaine profondeur de la peau, sans toucher aux tissus situés juste derrière, est très intéressant lorsque la tumeur se situe devant un organe vital que l'on souhaite préserver à tout prix.»
 

En amont, hormis un échauffement de la peau, qui peut être source d'inflammation, les cellules ne souffrent pas. Par ailleurs, le nombre de séances en carbonethérapie peut être beaucoup plus réduit que celui nécessaire en radiothérapie. Et une chimiothérapie complémentaire n'étant que rarement requise, c'est autant de fatigue en moins pour le patient. «La tolérance générale au traitement est bien meilleure qu'avec la radiothérapie où les tissus voisins de la tumeur sont assez souvent lésés. Cette meilleure tolérance est observée dans les suites immédiates du traitement, mais elle se retrouve aussi à plus long terme: en effet, comme les cellules saines sont épargnées et que les cellules cancéreuses ont peu de chances de survie, il n'y a pas a priori de risque de cancer secondaire, comme cela est parfois redouté avec la radiothérapie», confirme le Pr Balosso.
 

Aussi intéressante soit l'hadronthérapie, il ne s'agit pas pour autant d'une thérapie miraculeuse pour tous les cancers, même si la recherche se poursuit notamment au Japon, où les cancérologues s'intéressent à l'intérêt potentiel de l'hadronthérapie dans les tumeurs volumineuses du bassin et des membres. La limite est claire: il n'y a aucune raison de recourir à cette technique de pointe si les autres traitements ont déjà fait leurs preuves et donnent de bons résultats. C'est pourquoi seul un petit nombre de pathologies peu fréquentes - mais concernant tout de même environ 1300  malades par an au total en France - et pour lesquelles on dispose à ce jour d'un niveau de preuve suffisant de l'efficacité de l'hadronthérapie carbone pourraient en bénéficier dans un premier temps. C'est aussi pourquoi un seul centre en France suffirait à répondre à cette demande.
 

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