La Mousson d’été à Pont-à-Mousson en Lorraine

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Si les auteurs vivants ont maintenant pignon sur rue, s’affichent dans nos théâtres et Centres dramatiques Nationaux, s’éclatent… ( de rires subversifs) au Théâtre du Rond- Point, ils ne le doivent pas à la seule pugnacité de Jean-Michel Ribes, mais aussi à celle de quelques-uns qui, depuis belle lurette, œuvrent à les faire connaître et à les propager. Parmi ceux-ci, outre Théâtre Ouvert initié par Lucien et Micheline Attoun, Michel Didym et sa Mousson d’été devenue manifestation essentielle et sans laquelle le paysage du théâtre d’aujourd’hui serait moins luxuriant.

Pas du genre à mettre ses rêves dans sa poche, Michel Didym est un jeune chef de troupe, « avide d’écritures nouvelles et de rencontres » lorsqu’il décide en 1995, de mettre sur orbite, la Mousson d’été. Une aventure qui, de son aveu, trouve ses gènes au long d’un parcours formateur. Avoir adolescent découvert Bob Wilson et Pina Bausch aux belles heures du Festival de Nancy, appris le métier de comédien au Théâtre national de Strasbourg que dirigeait alors Jean-Pierre Vincent, y avoir travaillé avec André Engel, joué sous la direction de Georges Lavaudant, Georges Lavelli, Alain Françon, furent quelques-uns des viatiques qui nourrirent sa réflexion sur « la place et la mission d’un artiste au sein de la société » et forgèrent son goût pour les écritures contemporaines.
 

Aujourd’hui et depuis 2010, directeur du Théâtre de la Manufacture, CDN de Nancy, sa ville natale, on lui doit notamment et pour ne citer que les plus récents spectacles : Les Animaux se cachent pour mourir et Chronique de la haine ordinaire de Pierre Desproges, Le Mardi à Monoprix d’Emmanuel Darley, ou encore de l’italienne Angela Dematté, J’avais un beau ballon rouge qui réunissait avec bonheur les Bohringer père et fille.
 

C’est à l’occasion d’une résidence avec l’auteur Philippe Minyana, de qui il a monté plusieurs pièces, qu’il découvre l’Abbaye des Prémontrés de Pont-à-Mousson sise sur les bords de la Moselle, entourée d’un vaste parc et décrite dans les guides comme « un bel exemple de l’architecture monastique du XVIIIème siècle ». C’est donc là, dans ce site majestueux, propice à l’écoute comme à la déambulation, que Michel Didym, au déclin de l’été, convie les curieux de toutes espèces, public et gens de théâtre, à « venir voir s’écrire le théâtre ». C’est-à-dire de 11h à minuit, de lectures textes en main, en cabaret, de mises en espace en impromptus, d’être les premiers témoins de ce qui se fomente à vif puisque, lues par des comédien(e)s de belle pointure (Judith Magre, Eric Elmosnino, Anne Alvaro…), la plupart des pièces sont fraîchement sorties de l’écritoire.
 

De Serge Valletti à Joël Pommerat en passant par Armando Llamas, Catherine Anne, Xavier Durringer, Philippe Minyana, Rémi De Vos, Olivier Py… on ne compte plus les auteurs venus aux Prémontrés faire faire un tour de chauffe à leur texte. C’est là aussi que le trio d’humoristes aussi farfelus que talentueux, Jean-Claude Leguay, Christine Murillo, Grégoire Oestermann mirent au banc d’essai leur fameux Baleinié dictionnaire des petits tracas décliné en édition et en désopilants spectacles, Xu (objet bien rangé mais où) et Uxu (objet qu’on vient de retrouver et qu’on reperd aussitôt) présentés notamment au Théâtre du Rond-Point. On les y retrouve cet été avec des « bouts » d’Ugsu (Une urne dont on ne sait pas quoi faire une fois les cendres dispersées) (24 août), un nouvel opus où cette fois, nos pince-sans-rire « guettent les bonheurs furtifs, les petits coins de paradis ».
 

Avec eux, au programme de cette édition - qui fêtera ses vingt ans avec la publication d’un ouvrage souvenir -, pas moins d’une trentaine d’auteurs déjà connus ou à découvrir parmi eux David Lescot, Rémi De Vos, Lucie Depauw, Hervé Blutsch, mais aussi de nombreux étrangers, car pour Michel Didym, « il est impératif de faire entendre ce qui s’écrit ailleurs ». Parmi les voix venues d’ailleurs, et sans doute pas tout à fait par hasard, celle du grec Yannis Mavritsakis qui, avec Décalage vers le rouge , use de la métaphore médicale et clinique pour parler de la crise dévastatrice qui ravage son pays, celles des deux roumains Gianina Carbunariu (La Tigresse ) et Bogdan Georgescu ( Roumanie va te faire foutre ). Deux pièces au vitriol dont l’une parle de la peur de l’étranger, et l’autre aborde le thème de l’émigration, tant il est vrai que « la Roumanie est plus un pays que l’on quitte qu’un pays où l’on fait des projets d’avenir ». Au programme aussi, l’allemande Rebekka Kricheldorf, le polonais Przemyslaw Nowarkowski, l’anglais Tim Crouch, l’italien Stéfano Massini.
 

Lus par Ojda LLorca, Serge Maggiani, Laurent Poitrenaux, Daniel Martin, Julie Pilod…d’ici où d’ailleurs, tous à leur manière et dans leur style, répondront à la question : Quelle parole le théâtre propose-t-il au monde ? Quel Théâtre pour quel monde ? L’interrogation, pas si anodine, aura été au cœur des débats et rencontres d’été de la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, où en prémisse à sa 20éme édition et sur le thème « Ecrire le théâtre d’aujourd’hui en Europe », la Mousson d’été invite les festivaliers à la découverte d’œuvres nouvelles venues des quatre coins de l’Europe et lues par Anne Alvaro, Marcel Bozonnet, Jean-Damien Barbin ….
 

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