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Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI
Ça, c’est du cinéma !
Souvent, les clowns finissent mal, dans la tristesse ou l’incompréhension, victimes de l’ingratitude du public qu’ils ont fait tant rire. Chaplin nous l’a rappelé dans Les Lumières de la ville, où il fait apparaître avec lui un Buster Keaton oublié des studios. Stéphane Boulan et Alain Riou, eux, portent à la scène des Laurel et Hardy vieillissants. Ils sont à Paris, dans les années 50 (les auteurs prennent toute liberté avec la vérité historique), et, se sentant dans la courbe fléchissante de leur carrière, ils s’interrogent. Doivent-ils faire le film qu’on leur propose, Atoll K ? Laurel éprouve l’envie de quitter Hardy et de laisser son partenaire poursuivre seul cette route à bout de course. Oliver n’est pas d’accord. Ils se querellent comme ils le faisaient à l’écran, quand quelqu’un sonne à leur porte. C’est une jeune femme camouflée dans une tenue d’aviateur, une admiratrice qui a intérêt à cacher son identité aux personnes qui pourraient la surprendre – elle est pas n’importe qui...
Cette grande personnalité veut connaître le duo qui l’a tant fait rire, auquel elle doit tant de bonheur. Stan et Olivier en sont troublés, ils sont même séduits car cette amie imprévue ne manque pas de charme. Ils répondent à ses questions, veulent lui plaire et se chamaillent à nouveau, mais d’une autre façon. Ils jouent leur passé et leur avenir. Quand la jeune femme s’en ira, les épées de Damoclès qui s’appellent, l’âge, le temps et les lois du shobiz ne se seront pas retirées mais les maîtres du burlesque auront retrouvé leur confiance et leur amitié ; ils entrent, sans s’en rendre compte, dans ce qu’il faut bien appeler l’Histoire et même l’éternité.
Après la merveille de Hitch consacrée à Hitchcock et Truffaut, Riou et Boulan nous offrent une autre merveille, qui est un hommage à un autre cinéma et utilise un langage plus fantaisiste. Mais c’est aussi un travail de références, de pastiche, de citations. Citations gestuelles puisque les acteurs doivent être Laurel et Hardy ! Joe Sheridan et Ken Starcevic y parviennent admirablement. Sheridan est merveilleuement Hardy tel qu’il est dans nos mémoires : rond, gaffeur, vaniteux. L’acteur en retrouve l’autoritarisme ridicule, les mines satisfaites et son attitude de Goliath voulant dominer David. Et il a la souplesse dansante des rondeurs qui savent être aériennes. Ken Starcevic, de son côté, est un Stan marqué par l’âge. Il n’a plus le visage lisse du Laurel du cinéma, il a des rides et ne dissimule pas une certaine inquiétude. Il est poignant, sans pour autant changer son rôle de souffre-douleur ahuri auquel Hardy donne tort et la vie raison. C’est Laurel tel qu’il était et tel que la vie l’a transformée. Harriet Collings, venue de Londres pour interpréter ce troisième rôle, additionne beauté, malice, vitesse pour composer un personnage dont elle traduit avec ironie et tendresse, dans un style infiniment délicat, les images traditionnelles et la dimension légendaire. Ce trio joue et danse même en parfaite symbiose.
Boulan et Riou écrivent-ils comme jouaient Laurel et Hardy devant la caméra, en se disputant comme chien et chat ? Sans doute, non ! Leur cinéphilie joyeuse, qui marche au gag et au flair, leur a donné l’idée d’engager comme metteur en scène un cinéaste, Luc Béraud. Celui-ci a donné au texte une animation, une vie, des tempi savamment dosés, dans le rythme difficile et foudroyant du slapstick. La mise en scène est si bien faite qu’on s’en souvient en noir et blanc, alors que ce film théâtral est en couleur. Ça, c’est du cinéma ! Ça, c’est du théâtre !
Les Joyeux de la couronne de Stéphane Boulan et Alain Riou, mise en scène de Luc Béraud, décor de Valérie Grall, lumière de Pascal Sautelet, costumes de Pascaline Suty, chorégraphie de Sophie Mayer, avec Joe Sheridan, Ken Starcevic, Harriet Collings.
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