Hépatites B et C : dépister plus, soigner mieux

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Devant les progrès des traitements et du dépistage, un rapport redéfinit les priorités publiques.

Un demi-million de Français sont infectés par l'hépatite B (VHB) ou C (VHC). Ces deux maladies virales, qui peuvent parfois évoluer en cirrhose ou en cancer, sont responsables de 4000 décès par an. Reconnues «grande cause sanitaire en France», elles sont pourtant encore insuffisamment dépistées et prises en charge, alors même que des innovations majeures ont été enregistrées dernièrement dans ces domaines. Une nouvelle donne qui conduit un comité d'experts mandaté par la ministre de la Santé à prôner dans un rapport présenté lundi par le Pr Daniel Dhumeaux (CHU Henri Mondor, Créteil) l'application rapide de mesures supplémentaires, au premier rang desquels un dépistage élargi.
 

En effet, seulement un malade sur deux sait qu'il est contaminé. Jusqu'à présent, le dépistage était réalisé sur la base de profils à risques identifiés (usagers de drogues, détenus, migrants, transfusés, séropositifs au VIH, etc.). Les experts, qui ont travaillé sous l'égide de l'Agence française de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS) et de l'Association française pour l'étude du foie, appellent à les élargir. Ils conseillent ainsi de proposer à tous les hommes de 18 à 60 ans un dépistage couplé VIH (sida)/VHB/VHC, au moins une fois dans leur vie. Pour les femmes, ces tests pourraient être proposés à l'occasion d'une grossesse, lors de la consultation prénatale.
 

Vacciner les adolescents
 

L'arrivée des tests rapides d'orientation diagnostic (Trod), validés pour l'hépatite C et en cours de validation pour l'hépatite B, devrait par ailleurs permettre d'inclure des sujets à risques difficilement accessibles car souvent marginalisés, en les rencontrant dans des structures non médicalisées, sur le modèle des Trod VIH. Ces tests, réalisés en piquant le bout du doigt ou avec un prélèvement salivaire, dispensent le résultat en seulement 30 minutes, avec une validation nécessaire ensuite en laboratoire.
 

Autre levier potentiel de réduction de la maladie: la vaccination contre l'hépatite B. Contrairement à l'hépatite C, il n'existe pas de traitement permettant de guérir l'infection, on sait seulement la contrôler. Les spécialistes appellent donc à mettre fin à un paradoxe tout hexagonal: alors qu'il existe un vaccin préventif efficace à 95 %, la couverture reste particulièrement basse après que le vaccin a été accusé, dans les années 1990, de provoquer la sclérose en plaques - ce que les études scientifiques ultérieures n'ont jamais confirmé. Tandis que des progrès sont enregistrés sur les nourrissons (immunisés à 80 %), les adolescents restent particulièrement peu protégés (43 %), alors même qu'ils cumulent les comportements à risques: tatouages, piercing, drogue, nombreux partenaires sexuels. Pour rattraper ce retard, le rapport propose d'intégrer la vaccination aux objectifs de santé publique justifiant une incitation financière pour les médecins généralistes.
 

Quelle politique de soin?
 

Le rapport est enfin l'occasion de revenir sur la grande avancée thérapeutique contre l'hépatite C, qui est aussi, paradoxalement, la plus délicate à mettre en œuvre. Ces antiviraux à action directe, comme le Sovaldi de Gilead (molécule: sofosbuvir), offrent un meilleur taux de guérison (plus de 80 %, contre 70 auparavant), sur une période de traitement plus courte (3 mois, contre 6 à 12 mois), avec moins d'effets secondaires. Problème: ils sont extrêmement onéreux (une cure de trois mois associant plusieurs molécules coûte aux environs de 80.000 euros). En France, le Sovaldi a été autorisé temporairement en 2013, mais seulement pour les malades n'ayant aucune autre option thérapeutique.
 

À l'épineuse question «Qui doit profiter de cette coûteuse innovation», les experts préconisent de la mettre, dans un premier temps, à disposition des malades les plus sévères (présentant une fibrose significative pouvant donner lieu à un cancer ou une cirrhose, en attente de transplantation…). Soit 40 % du total des 230.000 malades français, pour un coût total estimé entre 6 et 7 milliards d'euros par le Pr Jean-François Delfraissy (ANRS).
 

Une situation inconfortable pour les médecins, peu à l'aise avec l'idée de restreindre l'accès à un médicament à l'efficacité reconnue. «Nous revendiquons bien sûr l'accès au médicament des malades qui en ont besoin, mais nous nous interrogeons sur le juste prix de ces molécules, explique le Pr Delfraissy. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la production de cette nouvelle molécule ne coûte que quelques centaines d'euros. Mais en face, les firmes pharmaceutiques cherchent à récupérer les énormes investissements faits en recherche et développement.»
 

 

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