Fernando Botero et la belle chair

By Lobna Ben Ismail octobre 06, 2014 1479

Bien que le corps obèse soit souvent considéré comme laid et malade, certains les voient plutôt féminin et attrayant. C’est, entre autres, le cas des peintures de Fernando Botero. Le peintre colombien aime représenter des hommes, des femmes, des enfants, des animaux, des fruits et des objets, tous volumineux. Sa forme de prédilection est assurément la sphère. Dans cette partie de l’analyse, il sera question de l’analyse artistique formelle de cinq peintures de femmes nues, peintes par Botero.

Dans les cinq portraits, Femme devant le miroir (1986), La chambre (1982), Vénus (1989), Le bain (1989) et Femme devant la fenêtre (1990) des femmes nues et obèses sont représentées. La première toile montre une femme devant le miroir, la deuxième une femme assise sur son lit, la troisième une femme qui se peigne, la quatrième une femme devant le miroir et la cinquième une femme devant une fenêtre.
 

Ces tableaux représentent ce que l’on pourrait appeler des « instants dodus[34] ».Ce sont de courts instants, mais utilisés à leur pleine capacité. Souvent représenté par un mouvement suspendu et lent, le moment semble s’éterniser. Ce concept s’applique dans les cinq toiles. Le meilleur exemple reste, sans aucun doute, celui de Vénus. La femme peinte replace la boucle dans ses cheveux. Son geste suspendu crée à la fois une tension dans l’œuvre et un esprit de paresse souvent associé aux gens atteints d’obésité.
 

 Par ailleurs, dans toutes ces toiles, la femme est l’objet principal de l’œuvre. Elles sont toutes au centre de la toile, la focalisation est donc statique. De plus, la composition est majoritairement faite d’axes verticaux, donc encore une fois, elle est statique. Pour ce qui est de l’espace, il y a une simple hiérarchie des plans. Que ce soit pour ne pas les gêner ou par pur dégoût, la plupart des gens vivant dans notre société actuelle préfèrent ne pas regarder les obèses. Or, la neutralité de la composition des toiles de Botero sert à mettre en valeur la femme en lui donnant toute l’attention. Les spectateurs sont donc contraints de regarder les corps obèses.
 

 Dans tous les tableaux du peintre, les formes sont rondes. C’est ainsi que l’on fait son entrée dans l’univers de Fernando Botero [35]. Comme le peintre est fasciné par la représentation des volumes, sa fascination pour la sphère est présente dans l’ensemble de son œuvre. Il ne se contente pas de représenter les femmes tout en rondeur. Il crée un univers où même le mobilier et les animaux sont ronds. Par exemple, le miroir de Femme devant le miroir et la toilette de Le bain ont des formes très sphériques. Aussi, les objets sont disproportionnés, par rapport au personnage. Par exemple, le lit de La chambre est beaucoup plus petit qu’il devrait l’être, rendant la femme encore plus immense. Encore une fois, cela met l’accent sur le sujet de l’œuvre, soit la femme obèse et ses rondeurs.
 

 Sur les peintures de Botero, le trait du pinceau n’est pas visible. Outre le fait que les formes soient exagérées, l’image est léchée et réaliste. Aussi, il y a une harmonie de couleur dans Le bain et dans Femme devant la fenêtre. Celles-ci sont composées de couleurs pures, elles illustrent l’énergie, la vitalité et la frivolité de ces femmes. Tandis que dans les trois autres œuvres, on observe plutôt une harmonie de couleurs chaudes qui expriment la chaleur humaine et la sensualité. Car, bien que les corps soient gros, Botero les peint autrement. C’est le concept de la « Belle chair[36]». Les obèses sont lisses, sans aucune ride. Ils n’ont pas l’air lourd et semblent légers et gracieux. C’est donc une idéalisation de l’obésité que Botero nous expose. En plus, toutes ces œuvres mettent en valeur les atouts féminins des femmes. Elles sont maquillées, chaussées de talons hauts et décorées de bijoux. En peignant ces toiles, Botero montre que l’obésité a une facette bien féminine et amène un tout autre point de vue de la corpulence dans l’art.   
 

 En conclusion, l’obésité est présente dans nos vies de tous les jours, partout autour de nous. Dans la littérature et dans les arts, les points de vue sur cette maladie sont nuancés. Alors que certains artistes dénoncent la lâcheté et l’abus dont font preuve les obèses, d’autres les défendent en montrant que la société peut être impitoyable à leur égard. Pour ce qui est d’Amélie Nothomb et de Lise Tremblay, elles montrent la douleur que peuvent ressentir ces individus. Chacune montre le mal psychologique et physique que les personnages en surpoids ressentent. Ne contribuant pas à leur bien-être, les regards qu’a la société sur leur corps peuvent être dévastateurs. De surcroit, les deux romans montrent que la dépendance avec la nourriture peut être aussi dangereuse sur la santé et sur le moral que la drogue. Quant à Fernando Botero, il montre le charme des femmes obèses. Il les représente agiles, gracieuses, souples et idéales. Ces différentes manières de voir la maladie de l’obésité sont une richesse pour l’art. De nos jours, il n’est plus seulement question de personnages obèses créés par des artistes. Maintenant, des artistes obèses laissent tomber les préjugés et pratiquent leur art. C’est notamment le cas du duo de danseurs Les gros. De taille non conventionnelle pour le métier qu’ils pratiquent, Émilie Poirier et Pascal Des parois assument la beauté des rondeurs de leur corps. Ces deux danseurs brisent ainsi les tabous du poids, surprennent et choquent le public. L’obésité n’est pas près de disparaître de l’art, car il y a encore beaucoup à dire sur ce sujet ou en d’autres termes, cette problématique très actuelle.
 

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