La céramique, plus tendance que jamais

By Rédaction en ligne septembre 04, 2016 933

On collectionne les objets en terre cuite, on les expose, on va jusqu’à les fabriquer soi-même… Mais qu’est-ce qui nous plaît tant dans cet artisanat ancestral devenu très branché ? Quatre céramistes nous ouvrent les portes de leur atelier.

On pensait qu’elle était tombée en désuétude, reléguée au rang des vieilleries d’un autre temps, celui des premiers âges ou des grandes utopies. Or, voilà que la céramique revient en force et séduit plus que jamais. De nouveau, dans les grandes villes, des ateliers ouvrent leurs portes et accueillent des apprentis venus humblement s’initier au travail de l’argile, à la maîtrise du tour de potier et à la cuisson au four.

Les adeptes, plutôt jeunes tendance hipsters, avancent que la céramique serait le « yoga des mains ». Elle aurait des vertus antistress et permettrait de se vider la tête. Parallèlement, la jolie vaisselle en terre cuite, en grès, en porcelaine ou en faïence (principales variantes de la céramique) se taille une belle place dans les intérieurs branchés. On la chine aux puces ou chez les brocanteurs en ligne. Et on revoit, au passage, sa géographie version vintage : « Ah, cette pièce Vallauris purement 50’s ! », « Oh, cette ravissante saucière de Saint-Amand-en-Puisaye en parfait état ! » Le hashtag #ceramics s’offre ainsi plus de 2 millions d’occurrences sur Instagram. Qui n’a pas encore posté un cliché d’étagères ployant sous ses trouvailles, vases subtilement imparfaits, figurines poétiques, têtes de lapin ou danseuses romantiques ? Place à l’onirique !

Le céramiste serait-il donc le nouveau dj, soit le métier qui nous fait rêver en cette période « peine-à-fantasmer », à l’instar de l’ébéniste, du maraîcher ou du boulanger ? Si on en juge par la multiplication des artisans-artistes exerçant cet art, il semblerait bien que oui. « Dans les salons professionnels de créateurs, il y a désormais énormément de céramistes, ce qui n’était pas le cas auparavant », explique Camille Soulayrol, rédactrice déco et auteure d’un livre passionnant* sur ce mouvement qui connaît un engouement sans précédent. Les jeunes femmes qui témoignent dans notre article (lire les portraits ci-dessous) illustrent à merveille cette tendance de fond. Le choix a été cornélien tant les vocations sont nombreuses : nous aurions pu citer aussi Alice Toumit, Aurélie Dorard, Alix D. Reynis… et bien d’autres. Ce que confirme Daniel Rozensztroch, directeur artistique du concept store Merci, qui propose jusqu’au 21 septembre une grande exposition en forme de manifeste, titrée « Earth, Hand & Fire » et dédiée à la céramique artisanale : « Nous sommes contactés de plus en plus régulièrement par de jeunes céramistes qui voudraient être vendus chez nous. » Un signal puissant que le temple parisien du bon goût a su capter illico.

Et si ces néo-céramistes étaient aux avant-postes d’une époque en pleine mutation ? « Au fil de notre recherche sur la céramique, reprend Daniel Rozensztroch, nous avons constaté une réelle aspiration des consommateurs pour les pièces uniques, exceptionnelles, et pour le travail bien fait. Comme s’il y avait une lassitude vis-à-vis des produits standardisés, fabriqués à la chaîne, à l’origine inconnue… » L’article fait main, selon des procédés ancestraux, serait dès lors paré d’une aura rassurante. Et apaisante. Est-il vraiment nécessaire de crouler sous les objets, de piètre qualité de surcroît ? Le succès des ouvrages de la Japonaise Marie Kondo (« La Magie du rangement », éd Pocket), qui incite à l’épure, semble démontrer que l’on aspire globalement à s’alléger.

Car le come-back de la céramique cache aussi une face militante. « On veut acheter moins mais mieux. Sortir de l’industrie de masse. Retrouver le contact avec celui qui fabrique pour mieux maîtriser ce que l’on consomme. La céramique le permet », souligne Feriel Karoui, du bureau de tendances Promostyl. Comme on exige de connaître la provenance de sa viande, on veut désormais savoir qui a fait nos objets utilitaires. Le potier retrouve ainsi sa place, qui est centrale, dans la communauté. Il crée du lien. « À force d’être connecté, on a perdu la connexion, le rapport humain, décrypte Feriel Karoui. On souhaite par-dessus tout combler le vide, remettre du matériel dans ce monde dématérialisé. » Rien de mieux, pour cela, que la matière par excellence, la terre-mère, universelle, éternelle. Ici, comme ailleurs, le travail de l’argile est une activité ancestrale. Archaïque. Cette maîtrise est aussi le chemin vers l’autonomie, vers la possibilité de redéfinir les circuits de production et de consommation. « Tout cela s’inscrit dans le mouvement plus vaste des “makers”, ces jeunes gens qui redécouvrent, voire réinventent les métiers manuels en faisant appel aux nouvelles technologies comme l’imprimante 3D », note encore Feriel Karoui. En somme, se mettre à la céramique ou en acquérir une pièce en la choisissant avec soin, c’est faire un petit pas de côté. Essayer de reprendre la main, si chère à l’artisan, sur son existence. C’est voter « slow life » quand, autour de nous, tout tourne à cent à l’heure et dans tous les sens. Radical mais bienvenu.

 

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