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Touwensa. Agences- À l’occasion des cent ans de la naissance de l’auteure de «l’Amant», le lieu d’étude du Centre Pompidou propose une exposition sur son œuvre, loin d’être monotone.
Comment exposer Duras? C’est la question que se sont posés Jean-Max Colard, critique d’art et Thu Van Tran, plasticienne. Comment éviter la redondance, et la froideur muséale? Comment célébrer les cent ans de celle qui a tant vu, et tant écrit ? En pensant et en théorisant l’espace chez l’auteure. Un cube se présente au visiteur. À l’extérieur, sur un superbe mur comme imbibé de bleu de méthylène, la BPI expose des manuscrits et revient sur les différentes périodes de Duras (son rapport au communisme, à la première guerre mondiale, ses accointances féministes, les années Mitterrand...). À l’intérieur du cube, un espace inspiré par le hall des Roches Noires de Trouville-sur-Mer où les extraits de ses films se mêlent à l’exposition du script intégral d’India Song. Le bleu des murs évoque à la fois la couleur de la mer, centrale dans la vie de l’artiste, et le bleu de méthylène, utilisé par les éditeurs pour éviter la circulation des livres interdits.
«Ce n’est pas une exposition sur Marguerite, explique Jean-Max Colard, c’est une exposition sur Duras.» Il met en pratique avec ce principe ce qui fait l’oeuvre de l’auteure : à la fois intime et politique, ouverte sur le monde extérieur et nourrie par ses expériences. «Notre but, continue Colard, c’est de faire le portrait de l’espace de l’écriture avec un mur extérieur qui représente l’outside, selon le terme de Duras, et l’espace intérieur.» Thu Van Tran, elle, a voulu «surfer» dans l’œuvre de l’auteure et sur les fonds de l’IMEC (Institut Mémoires de l’édition contemporaine) qui possède toutes ses archives depuis 1995. «J’aimais les coulisses, son rapport à la sémantique.» Ne pas être une durassienne avertie lui a permis d’entretenir une vision complémentaire de son œuvre.
Placard d’épreuves, publié in Théâtre II, 1968, © Fonds Marguerite Duras / IMEC
Une exposition riche
L’espace réduit de l’exposition ne l’empêche pas d’être une grande richesse. Les connaisseurs comme les moins avertis y trouveront leur compte. Les archives de l’IMEC ont mis à disposition de nombreux documents rares : les cahiers de la guerre, qui inspireront à Duras La Douleur, une édition de L’Empire français, écrit avec Philippe Roques, qu’elle retirera de sa bibliographie, une feuille sur laquelle Duras a recopié des slogans de mai 68, des documents de l’INA, le manifeste des 343 salopes paru dans l’Obs, un exemplaire de la revue féministe Sorcières, et le texte de Sublime, forcément sublime Chritine V. raturé et réécrit… Autant de trésors qui, pour Jean-Max Colard «ancrent Duras dans une réalité sociale» et témoignent de la naissance et du développement de sa conscience politique qui la menèrent à l’écriture de chefs d’œuvres comme Le Ravissement de Lol V.Stein.
L’intérieur, lui aussi recèle de documents rares. Le programme de 35 minutes diffusé dans le cube évoque la contemporanéité de Duras et son art total qui passe par le texte, la parole et l’image. Le script intégral d’India Song, exhumé de l’IMEC par Thu Van Tran, est présenté dans une vitrine, et interpelle le visiteur. «Visuellement, explique-t-elle, on voit qu’elle projette son écriture dans le texte, le son. On comprend sa manière de retravailler le texte et d’y revenir en permanence». India Song est coupé, collé, ses passages sont entourés de cercles de couleur et le manuscrit ainsi présenté devient une nouvelle œuvre d’art. Hiroshima mon amour subit le même sort et est renommé de nombreuses fois, Duras revient sur ses écrits, véritable work in progress permanent. C’est cette transformation que Thu Van Tran a voulu questionner à travers les archives de l’IMEC, pour exposer non pas l’œuvre mais le processus de l’écriture. Au terme duquel, Duras se paie le luxe de garder tout son mystère.
Duras Song à la BPI du 15 octobre au 12 janvier 2015
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