25 juin 1914 : le premier homme noir pilote d’avion | Blog de David B

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Il y a 100 ans, le 25 juin 1914, la première personne noire de l'histoire entrait dans une école de pilotage. C'était un musulman, mis en avant par un pays musulman, l'Empire Ottoman. Son nom ne vous dit peut être rien, et pourtant, il devrait… Ahmet Ali Çelikten, plus connu sous le nom d'Arap Ahmet…

Son nom ne vous dit peut être rien, et pourtant, il devrait… Ahmet Ali Çelikten, plus connu sous le nom d’Arap Ahmet (Ahmed l’Arabe), n’a pas eu le charisme d’un Malcolm X ou la posture d’un Martin Luther King, mais cela n’empêche, il rentre dans l’histoire comme étant le premier pilote noir de l’histoire de l’aviation. A l’heure du multiculturalisme et du plaidoyer pour le vivre ensemble, son histoire est ignorée par un grand nombre, presque inconnue. Comprenons que dans un espace civilisationnel judéo-chrétien auto-émancipé après des siècles d’obscurantisme attribués à la religion, reconnaître une avancée des droits aux personnes de couleur en terre d’Islam où règna un Califat et ce avant les héritiers des "Lumières", c’est plus que difficile. Le jacobinisme des pseudo-humanistes aidant, la bienpensance a, une fois n’est pas coutume, occulté un fait ne lui donnant pas raison. Ces autoproclamés héritiers des"Lumières" (blanches, précisons le), auraient du, honnêteté intellectuelle oblige, reconnaître l’avancée d’un modèle extra-européen ne serait-ce que pour la lutte contre le racisme, au nom du principe d’Egalité qu’eux-mêmes mettent en avant. Passons.
 

LE PREMIER PILOTE NOIR DE L’HISTOIRE
 

Selon certains, ce n’est pas Ahmet Arap le premier pilote noir mais Eugene Jacques Bullard, afro-américain ayant fuit son pays pour s’engager dans la légion étrangère française. Certes ce M.Bullard a servi pendant cette guerre dans l’aviation, mais il faut restituer les faits. D’une part il a fuit son pays à cause des multiples discriminations raciales dont il était victime, s’est payé son voyage pour la France en servant de cible vivante dans les foires, et enfin par la boxe, pour divertir des blancs qui le méprisaient. Dernier détail et pas des moindre, c’est en passant par la légion étrangère qu’il entra dans l’armée, pour servir non pas dans l’aviation mais dans l’infanterie. Il rentra dans l’armée de l’Air après avoir été blessé et donc dans l’incapacité physique d’aller au front. Comprenez donc qu’il n’est pas rentré par la grande mais par la petite porte. De plus, quand Bullard reçoit son brevet de pilote le 20 juillet 1917, son homologue Ottoman l’avait précédé de trois ans.

Eugene Jacques Bullard, pilote de l’armée française


Le cas d’Ahmet Ali Celikten est différent. Il n’a pas eu à souffrir des ségrégations que les afro-américains connurent. Il s’engage en 1904 dans la marine ottomane où il obtint le grade de Premier Lieutenant (Mülâzım-ı evvel) en 1908. Il s’engage dans la première guerre mondiale dans l’armée de l’air ottomane, la Osmanlı Tayyare Bölükleri, fondée en 1909 (ce qui en fait une des plus ancienne), qu’il rejoint le 25 juin 1914. Il fut formé à l’école d’aéronautique sur la base aérienne de  Yesilkoy, aujourd’hui l’aéroport international Ataturk d’Istanbul. L’historien David Nicolle précise dans son ouvrage "L’armée ottomane : 1914-1918" qu’il reçut ses ailes de pilote en 1914-1915. Son engagement sur le terrain est plus tardif, datant de novembre 1916. Un peu plus tard, il est envoyé à l’école de pilotage de Berlin pour se perfectionner. Après la guerre, Ahmet Ali Çelikten épousa une femme turque Hatice Hanim  et ils eurent cinq enfants. Les deux garçons Muammer et Yilmaz, comme leur père furent pilotes. Muammer après sa retraite de l’armée officia d’ailleurs en tant que pilote de ligne pour la Turkish Airlines.
 

Ahmet Arap, premier pilote noir de l’histoire, était musulman
 

L’EMPIRE OTTOMAN : UN ESPACE D’OUVERTURE
 

Pour comprendre comment un descendant d’esclave africain se retrouve aux manches d’un Bleriot XI ottoman, il faut revenir en arrière dans le passé pour observer deux phénomènes.
 

Le premier, c’est l’intégration naturelle des populations non-turques dans la société ottomane. L’Empire Ottoman s’étalant alors sur trois continents, il y eu en son sein des brassages naturels de populations : albanais, caucasiens, turcs, arméniens, géorgiens, arabes, soudanais, etc. De nombreuses figures non-turcs eurent des fonction de premier rang au cours des cinq siècles où perdura le Califat Ottoman. Ainsi, l’armée ottomane a toujours su accueillir des africains dans ses troupes et, à titre d’exemple, 24.000 africains prirent part à la guerre Austro-ottomane de 1714-1718.
 

Le second phénomène, c’est l’abolition de l’esclavage (partiel) sur les territoires Ottoman.  En 1847, soit un an avant la France, le Sultan Abdulmecid prend cette décision. A cette époque, les esclaves proviennent essentiellement alors du Kenya, d’Ethiopie, d’Afrique de l’Est et servent aux récoltes du coton sur les côtes de la mer Egée. Le Sultan leur alloue après leur affranchissement des terres dans cette région. C’est là-bas que naitra Ahmed Ali Celikten, surnommé Ahmet Arap, soit Ahmed l’Arabe, du fait que les turcs qualifiaient les personnes de couleur d’arabe.
 

Cette anecdote de l’histoire doit nous faire  rappeler que notre noble religion l’Islam combat le racisme. Le Prophète -SWS- nous dit : "Un Arabe n’a strictement aucun mérite sur un non-Arabe, pas plus qu’un non-Arabe n’en a sur un Arabe, ni un Noir sur un Blanc, ni un Blanc sur un Noir, si ce n’est par la piété" (rapporté par Ahmed). Soyons fiers que plus de douze siècles après Bilal Ibn Rabah, noble compagnon de notre Prophète et esclave éthiopien affranchi devenu le premier muezzin de l’histoire, le premier pilote noir de l’Histoire fut musulman.
 

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